Compte rendu du comité de massif de la forêt domaniale de Longeville 2023
Rappelons que le Comité de massif, qui réunit les usagers et les gestionnaires de la forêt en vue d’échanges et d’explications sur sa gestion, a été mis en place après l’action conduite par le collectif de riverains « Touche pas à ma forêt » : des coupes à blanc avaient fait craindre une dégradation irréversible du paysage avec la destruction de la forêt.
Mathilde Rade (Cheffe de projet Accueil du public - Mécénat et parrainage Agence territoriale Pays-de-la-Loire, Nantes) avait donné rendez-vous aux participants le jeudi 19 octobre à 9h30 sur le parking de la Dune de Paris à la Tranche sur Mer, pour la matinée.
L’Office National des Forêts était fortement représenté : à côté de Mathilde Rade, Emmanuel Podechard a animé la plus grande part de la rencontre, mais d’autres agents de l’ONF sont intervenus pour parler de défense contre l’incendie, utilisation des bois, protection des dunes.
Deux conseillers municipaux de La Tranche sur Mer ont également accueilli les participants : M. Pierre-Jacques Carles et M. Christian Nolleau.
Etaient présents des représentants du PNR du Marais Poitevin, des espaces naturels sensibles de Vendée, de l’interprofession de la filière bois (FIBOIS Pays de la Loire), de l’association de défense du Littoral Jardais, de la municipalité de l’Aiguillon la presqu’île, de l’APELT (M. Rivalland)…
Après les mots de bienvenue de Pierre-Jacques Carles, Mathilde Rade rappelle que la forêt (1225 ha) est actuellement entretenue et exploitée selon le plan d’aménagement 2020-2039 et que, dans ce cadre, les fonctions de la forêt sont évaluées ainsi : https://www.onf.fr/++amgt++A036289S/++zfiles++3b969a0c
- Protection contre les risques naturels : enjeu modéré
- Intérêt écologique et biodiversité : intérêt reconnu
- Accueil du public : enjeu fort
- Production ligneuse : fonction faible ou sans objets (réserve de la pointe d’Arçay)
1 : Retour sur les coupes de régénération réalisées en 2012/2013
10 ans après l’exploitation, quel paysage aujourd’hui? Quelles essences? Quel avenir pour ces parcelles? Retour sur les échanges de l’époque et la création du collectif «touche pas à ma forêt».
Les parcelles observées sont situées au-dessus du parking.
Rappel sur le processus de régénération par semis naturel (pour une rotation de 70-80 ans) :
a) relevé de couvert: enlèvement des chênes verts : seuls les particuliers acceptent pour l’instant cette coupe: les cessions font l’objet d’un contrat et le bois récolté est facturé au prix de 14 € HT par stère (maximum 30 stères par foyer, pour éviter les reventes).
On ne sait pas ici faire grossir le chêne vert (diamètre maximum à 1,30 m: 30 cm): la sénescence et le dépérissement interviennent vers 50 ans. Seuls de gros chênes verts pouvant avoir un intérêt paysager sont conservés.
b) marquage des pins à couper et semenciers à conserver; coupe d’ensemencement : l’ouverture du couvert permet la germination des pins, mais aussi la repousse de souche des chênes verts.
Les semenciers sont enlevés au bout de 3 ans.
c) travaux sur le peuplement pour élever les pins : cloisonnement, passage d’un broyeur sur une largeur 2 à 2,50 m tous les 6m afin de permettre le passage des hommes pour détourer les pins. L’opération de dégagement est réitérée 2 ou 3 fois jusqu’à ce que les pins soient sauvés.
Première parcelle (plutôt en situation sommitale): on note la présence de nombreux chênes verts en sous étage; ils concurrencent les pins alors que l’objectif, pour la station (au sens forestier: sol, climat), est de les privilégier (espèce la mieux adaptée).
Deuxième parcelle (en situation plus basse): les pins sont beaucoup mieux représentés.
Plus loin on peut observer une plantation dense de pins datant des années 80 dans une ancienne casse (casses toujours de dimensions restreintes, parfois seulement 10 x 15m). La présence de la vigne témoigne du passé de ce site.
Un peu plus loin encore, une coupe de régénération récente (3-4 ans). Sur notre parcours nous pouvons apprécier une mosaïque de végétation et de paysages.
D’autres espèces peuvent être observées: cormier, aubépine, peuplier, chêne pédonculé, alisier torminal; même si le pin est aidé, la diversité est appréciée.
Devant un bosquet de robiniers, les forestiers sont interrogés : à Jard/Mer des gens se sont inquiétés de l’envahissement de certains sites par l’espèce. Le robinier éliminé au relevé de couvert a rejeté et drageonné. La lutte contre cette espèce pionnière introduite étant très coûteuse et incertaine, parfois, il vaut mieux laisser faire. Ici le danger est encore contenu. Par ailleurs cette espèce contribue à la biodiversité notamment grâce à sa floraison; elle fixe aussi l’azote de l’air par ses racines et constitue un apport au sol intéressant pour le reste de la végétation. Le robinier donne aussi un bois apprécié pour sa tenue aux intempéries ou au contact du sol (bois dit d’acacia).
Mathilde Rade insiste sur la nécessité du cycle d’entretien de la forêt; la forêt de Longeville en est à la troisième génération de pins. Les travaux et le passage des machines ont un impact temporaire sur les paysages et les sols qu’il faut accepter. Fort heureusement ici les sols ne sont pas compactables, le passage des engins les marque peu.
Après une question sur la chasse, E. Podechard affirme que, dans cette forêt, les sangliers ne posent aucun problème et que la chasse contrôle correctement les effectifs de chevreuils.
2 : une coupe à venir pendant l’hiver 2023/2024
Comment est la parcelle, pourquoi une coupe, qu’est-ce qu’on coupe, que deviendront les bois?
Sur une ancienne plantation, une éclaircie est prévue cet hiver: une ligne sur quatre va être enlevée. Un marché public va choisir une entreprise pour cette exploitation; la coupe sera réalisée par une machine, aucun bûcheron ne pouvant réaliser cette opération dans des conditions économiquement satisfaisantes.
Le bois sera commercialisé auprès de l’entreprise PIVETEAU BOIS (construction, aménagements extérieurs, bois énergie; Sainte Thérence): le marché concernera plusieurs types de produits (jusqu’à 3 sur un même arbre).
Le représentant de la filière bois affirme que nous avons la chance, en Vendée, pourtant un département faiblement boisé, d’employer 30.000 personnes dans cette industrie et que toutes les activités de la partie aval existent: charpente, menuiserie, emballages, aménagements intérieurs. Pour rappel, seulement 12% du territoire sous couvert forestier et 15% avec le bocage. Par ailleurs, la forêt est très accessible car en plaine.
Les meubles GAUTIER (Chantonnay, Le Boupère, Saint Prouant) par exemple fabriquent eux-mêmes leurs agglomérés.
Toutes ces activités en circuits courts sont intéressantes en matière de bilan carbone : stockage du carbone, limitation de la consommation d’énergie grise (fabrication de produits, transport…).
Une question est également posée à propos des piles de troncs qui se dégradent sur le bord du chemin. E. Podechard plaisante en répondant que ce sont ses hôtels à insectes: environ 40 m³ d’une ancienne coupe n’ont pu être commercialisés; ce bois mort est un refuge pour une riche biodiversité, dont les insectes saproxylophages qui se nourrissent de bois morts.
Mathilde Rade précise qu’une lettre d’information sur les coupes à venir en forêt de Longeville sera mise en ligne sur le site de l’ONF.
3: La défense des forêts contre l’incendie (DFCI)
Présentation des dispositifs mis œuvre en 2023 par l’ONF, partenariats avec le SDIS (Service Départemental d’Incendie et de Secours) et les services de police.
Depuis les années 60, cette mission d’intérêt général (MIG) est confiée à l’ONF par le Ministère en charge de l’agriculture. Les ministères de l’intérieur et de l’écologie sont maintenant associés. Concernant à l’origine la protection des milieux naturels, la mission s’étend maintenant à la protection des biens et des personnes.
Le nombre de départements impliqués ne cessent d’augmenter: ils sont maintenant 30 dont la Vendée. Localement le peuplement de pins et de chênes très inflammables et la forte pression touristique contribuent au risque d’incendie.
- Prévisions des risques et traitements des causes: relevés (ex. hygrométrie), appréciation de l’état du couvert végétal.
- Patrouilles de Surveillance et Intervention (PSI) : un véhicule tout terrain avec une réserve de 600 l d’eau patrouille pendant 8 h suivant données météo (Météo France); sensibilisation, répression, information aux pompiers, appui au COS (accès…).
En 2023 :
Risque d’incendie : 9 patrouilles ont été effectuées, dont 5 sur la forêt de Longeville.
Sensibilisation et répression (cigarette, feux à proximité de la végétation…) : 15 patrouilles dont 9 sur Longeville.
Des contraventions ont été dressées.
En 2024 :
Des manœuvres communes avec les pompiers sont prévues ainsi que des embauches de saisonniers.
Météo France progresse sur la précision des informations utiles.
La propagation du feu peut se faire horizontalement ou verticalement: il devient souvent incontrôlable quand il se propage par les cimes
A propos de la présence de bois laissé au sol après une exploitation (éléments du houppier), il est rappelé que la restitution de matières organiques au sol est utile pour l’entretien des cycles naturels. Pour accélérer la minéralisation, un broyage au sol est possible. Ici la forêt mosaïque limite la propagation du feu.
Il existe bien sûr, dans le code forestier, une Obligation Légale de Débroussaillement (OLD) et un arrêté préfectoral peut imposer, par exemple, un débroussaillement dans un périmètre de 50 m autour du bâti. La forêt de Longeville n’est pas concernée par une OLD, qui aurait ici un impact important sur le paysage. Des dégagements ont cependant pu être réalisés pour apaiser des «psychoses».
4 : Accueil du public et protection des espaces naturels fragiles
La dune de la Terrière: quels sont effets des travaux menés en 2015 ?
E. Podechard explique le travail effectué au niveau des plages de La Terrière : la MIG dunes a pour objet la lutte contre l’érosion éolienne et la stabilisation de la dune, dune qui protège la forêt et les activités humaines.
Les travaux réalisés, il y a maintenant 8 ans, ont consisté à canaliser le public et à créer des casiers (clôture avec du grillage à moutons) pour protéger la dune grise du piétinement.
La dune grise bénéficie d’un intérêt communautaire (U.E.) prioritaire: habitat, biodiversité, protection du trait de côte… Les dunes grises locales sont dans le top 5 des dunes grises de France (autres: Quiberon, Noirmoutier…). Parmi les oiseaux pouvant être observés on peut citer: l’alouette des champs, le pipit rousseline, le chardonneret, le traquet motteux, la bondrée apivore….
Des travaux ont également été réalisés pour limiter les siffle-vent (caoudères): des filets de coco sont posés au sol pour piéger le sable, des oyats sont plantés.
A la fin de la rencontre, Mathilde Rade précise aux participants que la part du temps de travail de M. Podechard consacré à l’exploitation du bois n’excède pas 2 à 3 semaines par an. Cette précision est donnée pour faire passer le message que l’Office National des Forêts n’a pas ici pour principal objectif de couper des arbres.
Les participants se dispersent vers 12h30.